« je suis pas fana mais si tu y tiens on fera comme ça » Louise_Peluches
Le sous-titre de cette série est un commentaire banal que l’on ne remarquerait sans doute pas au cours d’une conversation.
Dans le contexte de ce travail, cette phrase devient un révélateur de ce que les images mettent en scène : la réduction de l’autre au statut d’objet. Sans aller dans le registre de la violence physique, ces images évoquent de manière métaphorique la violence plus subtile de l’objectivation ordinaire, et les sentiments que cela fait émerger chez l’enfant – incompréhension, rage, désespoir, renoncement / soumission.
Un buste d’enfant en marbre du 19e s. est le modèle principal de la série. Cet objet était dans la maison de famille ainsi que les quelques peluches retrouvées à l’occasion de la vente de la maison apres le décès de la mère de l’artiste. Objet familier et intime, il devient par la photographie doué de sentiment tout en gardant ce statut d’objet / nature morte. C’est le conflit non-verbalisé vécu par l’enfant. Suis-je objet ? Sujet ?
Les différentes mises en scène montrent la petite fille / sculpture en situation de devoir subir. « Rien de bien grave », apparemment. Elle est vue parfois d’un œil extérieur, accoutrée, ridicule ou embellie. D’autres images suggèrent ses sentiments intérieurs, poignants – mais aussi ses ressources : sa rage lui donne l’énergie de retrouver son statut de sujet, faisant appel à des protecteurs imaginaires projetés sur les peluches et les masques.
Ce travail évoque le statut ambigu du photographe et du sujet photographié tel qu’évoqué par Susan Sontag : « Photographier les gens c’est les violer […] cela transforme la personne en un objet qui peut être symboliquement possédé. » (On Photography). En ce sens, le choix de l’artiste de faire le portrait d’un objet expose la mécanique de l’objectification, faisant indirectement référence à l’auto-objectivation, une pratique exacerbée de nos jours par la vogue du selfie.